Assis devant le feu, je finis mon bol de soupe. Je n'ai plus grand chose à manger. Sur mes étagères, j'ai de quoi faire du bon thé, un piment dont je ne me servirais sûrement jamais, des biscuits et une petite pomme. Pas de quoi tenir longtemps. Encore moins avec la Dîme. Cette fichue Dîme. J'ai du mal à trouver de quoi manger en ce moment. « Premier arrivé, premier servi », c'est ce qu'on dit. Tout pourrait être tellement plus simple ... Je soupire. Je repose mon bol vide au sol, et essuie mon museau avec ma serviette. Néanmoins, je reste assis un moment, regardant les flammes danser dans la cheminée. J'aime le feu. C'est beau. J'aime le regarder bouger. J'aime m'asseoir devant lui et le laisser mon réchauffer. Mais j'ai autre chose à faire, je ne peux pas rester comme ça. Je me relève, et me dirige vers la bassine d'eau pour laver mon bol. Je le laisse ensuite sécher sur le côté et cherche la clé de mon logement. J'ai tendance à la perdre.
Ce n'est pas très grand, chez moi. Quand on ouvre la porte, on entre directement dans le salon/cuisine. Il y a une grande cheminée, un tapis juste devant. Il y a une table avec deux chaises aussi, mais j'aime bien manger près du feu. Il y a également un grand buffet rempli de bazar. Du côté de la cuisine, il y a de nombreuses étagères presque vides, et une grande table sur laquelle je cuisine parfois. Un rideau cache l'entrée de la salle de bain. Elle est vraiment petite. De l'autre côté, il y a ma chambre, avec un grand lit moelleux et une minuscule table de nuit. J'y trouve d'ailleurs ma clé, que je passe autour de mon cou. Je sors dans la nuit, sans bruit.
Je sais exactement où je vais. Je veux regarder où sont les gardes pour noter leur emplacement sur mes plans. Je veux partir d'ici. Je ne peux pas le faire sans tout prévoir avant. Personne ne doit savoir que je suis parti, personne. Donc je dois relever chaque détail qui peut avoir son importance. Je passe donc près de la sortie, à la Halle, puis je me dirige vers le quartier du Ministère pour finir par les dortoirs de l'Armée de la Mort. C'est là qu'on me fonce dedans. C'était une petite rate grise, que je n'ai pas vue arriver. Elle est par terre, visiblement terrifiée.

« Je suis désolée ! Laissez-moi partir s'il vous plait ! »

Je lui prends la patte pour l'aider à se relever. C'est là que je remarque le tablier qu'elle porte autour de la taille. C'est une servante. Voilà ce qui explique qu'elle soit paniquée ! Elle n'a pas le droit de sortir. Je regarde à droite et à gauche, et l'entraîne un peu plus loin en tirant sur son poignet. Dès que la galerie tourne à droite, je l'y amène et la lâche finalement. On ne peut pas rester aussi près des dortoirs.

« Qu'est-ce que tu fais là ?! »

Je la fixe d'un regard assez dur. Je veux une réponse. Elle est un peu dingue, quand même. Enfin, peut-être pas tant que ça. Je pourrais prendre sentir son cœur battre la chamade et entendre sa respiration s'accélérer dangereusement tant elle a l'air paniquée.

« Je ... J'essaie de m'échapper. »

Si, si, je retire ce que j'ai dis, elle est folle. Elle veut s'échapper ? Là, maintenant, tout de suite, sans plan, seule contre tous ? Elle est ta-rée. Mais c'est pas mal. Je soupire, et lève les yeux au ciel avec un sourire. Pendant ce temps, elle semble prendre confiance. Je ne sais pas si j'ai une tête horrible à faire peur ou un truc du genre -j'aurais peut-être dû me regarder dans un miroir avant de partir (mais je ne pensais pas que j'allais rencontrer quelqu'un)- mais elle avait l'air de me craindre avant.

« Et toi ? Qu'est-ce que tu fais ici ? » finit-elle par me demander.

Je toussote nerveusement. Je fais la même chose qu'elle ... Et si c'était un piège ?! Et si cette rate -dont j'ignore encore le nom- était envoyé par le Haut Ministère ? Et s'ils avaient découvert que je prévois de partir ? Et si c'était pour confirmer leurs idées ? Ils croient sûrement que je vais me confier à la première personne venue qui « veut » elle aussi s'échapper ! Mais non, ha ha ! Erreur ! Et puis je la regarde un instant. Elle est maigre et son pelage est sale. Ses yeux ne reflètent que l'innocence, et on voit bien qu'elle n'est complice d'aucun plan. Je soupire à nouveau, ce qui est très fréquent chez moi, en regardant soudainement le sol. J'ai tendance à m'emporter. Je regarde prudemment à droite et à gauche, puis je lui chuchote à l'oreille :

« On ne peut pas parler ici. Viens, s'il te plaît. »

Sur mes gardes, je fais quelques pas en direction de chez moi. Je suis né ici, au milieu de ces ruelles sombres éclairées par des torches, de ce labyrinthe de galeries. Je le connais comme ma poche. J'ignore si cette rate le connaît aussi bien. Depuis combien de temps est-elle au service du Haut Ministre ? Je me retourne, et constate qu'elle me suit. Je lui adresse un petit sourire.

« Ce n'est pas loin, ne t'inquiète pas. » lui mumure-je alors.

Après quelques minutes à cavaler dans le dédale de galeries, évitant soigneusement les éventuels gardes de l'Armée de la Mort, nous arrivons devant chez moi. J'ai pris le même chemin qu'à l'allée. Je retire la clé d'autour de mon cou, et ouvre la porte. Je fais signe à ... aucune-idée-de-son-prénom d'entrer la première. Je referme la porte à clé après être entré moi aussi.

« Bienvenue chez moi. » dis-je avec un sourire.

Je vais m'asseoir sur une chaise et croise les bras sur la table.

« J'm'appelle Hope. Et toi ? Alors comme ça, tu veux t'échapper ? Est-ce que tu as idée de ce que cela représente ? Tu joues avec le feu. »